Peu d’individus ont secoué le monde comme Karl Marx. Sa disparition, passée presque inaperçue, fut suivie, avec une rapidité dont l’histoire n’a donné que de rares exemples, par la renommée. Très vite, son nom fut sur les lèvres des travailleurs de Chicago et de Detroit, comme sur celles des premiers socialistes indiens à Calcutta. Son image a trôné sur les murs du congrès des bolcheviques à Moscou après la Révolution. Sa pensée a inspiré les programmes et les statuts de toutes les organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier, de l’Europe entière jusqu’à Shanghai. Ses idées ont bouleversé de manière irréversible la philosophie, l’histoire, l’économie. Pourtant, malgré l’affirmation de ses théories, transformées au xxe siècle en idéologie dominante et en doctrine d’État pour une grande partie du genre humain et la diffusion massive de ses écrits, il manque, aujourd’hui encore, une édition complète et scientifique de ses œuvres. Parmi les grands auteurs de l’humanité, il est le seul à connaître ce sort.
INACHÈVEMENT DE L’ŒUVRE, SYSTÉMATISATION DES MARXISMES
La raison première de cette situation très particulière repose sur le caractère largement inachevé de son œuvre. En effet, si l’on exclut les articlesjournalistiques publiés entre 1848 et 1862, pour la plupart destinés au New York Tribune, qui était à l’époque un des quotidiens les plus importants au monde, les travaux publiés ont été relativement peu nombreux, comparés à ceux qui n’ont été réalisés qu’en partie et à la somme importante des recherches. Symptomatiquement, en 1881, quelque temps avant sa mort, répondant à Karl Kautsky, à propos de l’opportunité d’une édition complète de ses œuvres, Karl Marx avait dit: «Il faudrait déjà que celles-ci fussent écrites. » ‘ Marx a donc laissé beaucoup plus de manuscrits qu’il n’en a confiés aux imprimeurs 2.
Contrairement à ce que l’on retient en général, son œuvre est restée fragmentaire et parfois contradictoire, autant d’aspects qui en montrent une des caractéristiques particulières : leur caractère inachevé. La méthode plus que rigoureuse et l’autocritique la plus impitoyable, qui ont entraîné l’impossibilité de mener à terme beaucoup des travaux entrepris; la misère la plus noire et l’état de santé constamment précaire qui l’ont accompagné toute sa vie ; la passion insatiable pour la connaissance, restée inaltérée, qui l’a toujours poussé vers de nouvelles études, ont contribué à faire de l’inachèvement la fidèle compagne et la damnation de toute la production de Marx, comme de sa propre existence. Le plan colossal de son œuvre ne fut porté à terme que pour une part restreinte, quand bien même les efforts intellectuels incessants se sont avérés géniaux et riches de conséquences extraordinaires sur le plan théorique et politique 3.
Après la mort de Marx, en 1883, c’est Friedrich Engels qui s’est le premier consacré à la lourde tâche, étant donné l’éparpillement des matériaux, le caractère ardu du langage, et les difficultés pour déchiffrer le texte, de faire imprimer les textes de son ami. Il a concentré ses efforts sur la reconstruction et la sélection des originaux, la publication des textes inédits ou incomplets et, en même temps, les rééditions et traductions des écrits déjà connus.
Même s’il y eut des exceptions, comme par exemple les Thèses sur Feuerbach, éditées en 1888 en appendice de son Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, ainsi que la Critique du programme de Gotha, parue en 1891, Engels a privilégié presque exclusivement le travail éditorial pour compléter le Capital, dont n’avait été terminé que le livre I. Cette tâche, qui prit plus d’une décennie, fut poursuivie avec l’intention précise de réaliser «une œuvre organique et achevée du mieux possible »4. Ainsi, au cours de son activité rédactionnelle, à partir du déchiffrement des textes qui se présentaient non comme des versions finales, mais plutôt comme de véritables variantes, et poussé par la nécessité d’en unifier l’ensemble, Engels ne s’est pas contenté de reconstruire la genèse et le développement du second et du troisième livre du Capital, encore très éloignés de leur forme définitive, mais a fait imprimer des volumes finis.
D’autre part, il avait précédemment contribué à engendrer un processus de systématisation théorique à travers ses propres ouvrages. MAnti-Duhring, paru en 1878, qu’il définissait comme l’« exposition plus ou moins unitaire de la méthode dialectique et de la vision communiste du monde de Marx et de moi » 1, est devenue le point de référence crucial dans la formation du marxisme comme système et dans sa différentiation d’avec celui propre au socialisme éclectique qui prévalait alors. Socialisme utopique et socialisme scientifique eut une influence encore plus grande. Il s’agit d’une réélaboration, à visée vulgarisatrice, de trois chapitres du livre précédent, et qui, publiée pour la première fois en 1880, a connu une fortune analogue à celle du Manifeste du parti communiste. S’il existe une nette distinction entre ce type de vulgarisation, rédigée dans une perspective polémique contre les raccourcis simplistes des synthèses encyclopédiques, et celle propre à la social-démocratie allemande de la génération suivante, le recours d’Engels aux sciences naturelles a ouvert la voie à la conception évolutionniste qui, peu à peu, allait s’affirmer également dans le mouvement ouvrier.
La pensée de Marx, même si elle est parfois traversée par des tentations déterministes mais reste néanmoins indiscutablement critique et ouverte, tombe alors sous les coups du climat culturel de l’Europe de la fin du xix, siècle, envahi comme jamais par les conceptions systématiques, avant tout par le darwinisme. Pour répondre à cela, le tout récent marxisme, devenu précocement une orthodoxie dans les pages de la revue Die neue Zeit que dirigeait Kautsky, prend rapidement la même tournure. On peut mieux comprendre un facteur décisif qui a contribué à consolider cette transformation de l’œuvre de Marx dans la façon dont a été accompagnée sa diffusion. Comme le montre le tirage modeste des éditions de l’époque, ne furent privilégiés que des opuscules de synthèse et des résumés très partiels de ses textes. D’autre part, certaines de ses œuvres subissaient les effets des instrumentalisations politiques. En effet, les premières éditions furent remaniées par les éditeurs, pratique favorisée par l’incertitude du matériau laissé par Marx et qui n’a d’ailleurs cessé de croître, de même que la censure de certains écrits. La forme «manuel», vecteur important de l’exportation de la pensée de Marx de par le monde, a constitué certainement un instrument efficace de propagande, mais a contribué également à altérer sa conception initiale. La diffusion de son œuvre, complexe et inachevée, face au positivisme et pour mieux répondre aux exigences pratiques du parti prolétarien, s’est traduite au final par un appauvrissement théorique et une vulgarisation du patrimoine d’origine 6.
À partir de ces processus a pris corps une doctrine d’interprétation évolutionniste schématique et élémentaire, mâtinée de déterminisme économique: le marxisme de la période de la Seconde Internationale (1889-1914). Guidée par une conviction aussi forte que naïve dans le processus automatique de l’histoire et donc, dans le passage inéluctable du socialisme au capitalisme, elle s’est montrée incapable de comprendre le cours réel du présent et, en rompant le lien nécessaire avec la praxis révolutionnaire, a produit une sorte de quiétisme fataliste, qui s’est transformé en un facteur de stabilité pour l’ordre existant 7. On voit clairement la différence profonde avec Marx qui, dès sa première œuvre, écrite avec Engels, avait dit : « L’histoire ne fait rien […] Ce n’est pas “l’histoire” qui se sert de l’homme comme moyen pour arriver à ses propres fins, comme si elle était une personne particulière ; elle n’est rien d’autre que l’activité de l’homme qui poursuit ses propres fins. »
La théorie de l’effondrement (lusammenbruchstheorie), c’est-à-dire la thèse de la fin imminente de la société bourgeoise capitaliste, qui s’était répandue durant les vingt années qui suivirent 1873 et qui a trouvé durant la crise économique de la Grande Dépression son contexte le plus favorable, fut proclamée comme le nec plus ultra du socialisme scientifique. Les affirmations de Marx, destinées à décrire les principes dynamique du capitalisme et, plus généralement, à en découvrir une tendance de développement 9, furent transformées en lois historiques universellement valides, dont on faisait dériver, jusque dans les moindres détails, le cours des événements.
L’idée d’un capitalisme agonisant, destiné de manière autonome à l’écroulement, fut présente jusque dans les fondements théoriques de la première plateforme complètement «marxiste» d’un parti politique, Le programme d’Erfurtde 1891, et dans le commentaire qu’en fit Kautsky, qui déclarait que «le développement économique inexorable amène à la banqueroute du mode de production capitaliste avec la nécessité d’une loi naturelle. La création d’une nouvelle forme de société à la place de l’actuelle n’est plus seulement quelque chose de désirable mais est devenue inévitable. » 10 Voilà quelle était la représentation, la plus significative et évidente, des limites intrinsèques à l’élaboration théorique de l’époque, sans parler de la distance abyssale par rapport à celui qui en était l’inspirateur.
Le même Eduard Bernstein, qui en concevant le socialisme comme possibilité et non comme inéluctabilité avait nettement divergé des interprétations alors dominantes, faisait une lecture de Marx tout aussi fallacieuse, qui ne dépareillait pas le moins du monde celle de son temps et a contribué à en répandre, à travers l’écho important qu’a suscité le BernsteinDebatte, une image également altérée et instrumentalisée.
Le marxisme russe, qui au cours du xixe siècle a joué un rôle fondamental dans la diffusion de la pensée de Marx, a suivi cette trajectoire de systématisation et de vulgarisation avec une rigidité de pensée encore plus grande. En effet, pour son pionnier le plus important, Gueorgui Plekhanov, «le marxisme est une conception du monde complète» 11, marquée par un monisme simpliste, à partir duquel les transformations superstructurales de la société procèdent de manière simultanée aux modifications économiques. Dans Matérialisme et empiriocriticisme (1909), Lénine définit le matérialisme comme «la reconnaissance de la loi objective de la nature, et du reflet approximativement fidèle de cette loi dans la tête de l’homme» 12. La volonté et la conscience du genre humain doivent «inévitablement et nécessairement »13 s’adapter aux nécessités de la nature. Encore une fois, c’est le positivisme qui triomphe.
Ainsi, malgré l’âpre conflit idéologique propre à ces années, de nombreux éléments théoriques caractéristiques de la déformation opérée par la Seconde Internationale sont passés dans ce qui allait constituer la matrice culturelle de la Troisième Internationale. Cette continuité s’est manifestée, de manière encore plus évidente, dans Théorie du matérialisme historique, publiée en 1921 par Nikolaï Boukharine, selon lequel «dans la nature comme dans la société, les phénomènes sont réglés par des lois déterminées. La première tâche de la science consiste à découvrir cette régularité »14. Le succès de ce déterminisme social, centré intégralement sur le développement des forces productives, a engendré une doctrine selon laquelle « la multiplicité des causes qui agissent dans la société ne contredit pas du tout l’existence d’une loi unique de l’évolution sociaœ» 15.
Parmi les opposants à une telle conception, on peut trouver Antonio Gramsci, selon lequel la «position du problème comme une recherche de lois, de lignes constantes, régulières, uniformes, est liée à une exigence, conçue de manière un peu puérile et naïve, de résoudre de manière péremptoire le problème pratique de la prévisibilité des événements historiques » “. Son net refus de réduire la philosophie de la praxis marxienne à une sociologie vulgaire, de « réduire une conception du monde à un formulaire mécanique qui donne l’impression d’avoir toute l’histoire dans sa poche» 17, fut d’autant plus important qu’il s’opposait à l’écrit déjà cité de Boukharine et visait à condamner cette orientation plus générale qui allait prévaloir, sans ambages, en Union soviétique.
Avec l’affirmation du marxisme-léninisme, le processus de dénaturation de la pensée de Marx a connu sa manifestation définitive. La théorie ne fut plus dès lors un guide pour l’action mais devint, au contraire, une justification a posteriori. Le point de non-retour fut atteint avec le Diamat [Dialektitcheski materializm- Matérialisme dialectique], « la conception du monde du parti marxiste-léniniste» 18. L’opuscule de Staline de 1938, Matérialisme dialectique et matérialisme historique, qui connut une diffusion extraordinaire, en fixait les traits essentiels les phénomènes de la vie collective sont réglés par des « lois nécessaires du développement social», «parfaitement connaissables ; «l’histoire de la société se présente comme un développement nécessaire de la société, et l’étude de l’histoire de la société devient une science».
Cela «veut dire que la science de l’histoire de la société, malgré toute la complexité des phénomènes de la vie sociale, peut devenir une science aussi exacte que, par exemple, la biologie, capable d’utiliser les lois du développement de la société pour s’en servir dans la pratique» 19 et, par conséquent, il incombe au parti du prolétariat de fonder sa propre activité à partir de ces lois. On voit là clairement comment la mécompréhension des concepts de « science » et de « scientifique » a atteint son comble. La scientificité de la méthode marxienne, fondée sur des critères théoriques scrupuleux et cohérents, fut remplacée par la méthode propre aux sciences naturelles qui ne tolérait aucune contradiction. Enfin s’est affirmée la superstition de l’objectivité des lois historiques, selon laquelle ces dernières opéreraient, à l’instar de celles de la nature, indépendamment de la volonté des hommes.
À côté de ce catéchisme idéologique, le dogmatisme le plus rigide et le plus intransigeant a trouvé un terrain fertile. L’orthodoxie marxiste-léniniste a imposé un monisme inflexible qui n’a pas manqué de produire des effets pervers jusque dans les écrits de Marx. Indéniablement, avec la Révolution soviétique, le marxisme a connu un moment significatif d’expansion et s’est répandu jusque dans des milieux géographiques et des classes sociales dont il étaitjusque alors exclu. Néanmoins, encore une fois, la diffusion des textes concernait surtout des manuels de parti, des vade-mecum, des anthologies marxistes sur différents sujets, plus que les textes de Marx proprement dits. De plus, on a assisté à la censure croissante de certaines œuvres, au démembrement et à la manipulation des autres, ainsi qu’à la pratique de l’extrapolation et du montage astucieux des citations. Ces dernières étaient choisies dans un but prédéterminé et subissaient le même traitement que le brigand Procuste réservait à ses victimes : si elles étaient trop longues, elles étaient amputées ; si elles étaient trop courtes, elles étaient rallongées.
En conclusion, le rapport entre la diffusion et la non-schématisation d’une pensée, à plus forte raison pour la pensée critique de Marx, entre sa popularisation et l’exigence de ne pas l’appauvrir théoriquement, est certainement une entreprise difficile à réaliser. Mais en tout cas, il ne pouvait rien arriver de pire à Marx.
Sollicité par de nombreuses tendances en fonction des contingences et des nécessités politiques, il fut assimilé à celles-ci et critiqué en leur nom. Sa théorie, aussi critique qu’elle fût, fut utilisée sous forme d’exégèse de versets bibliques. On vit alors les paradoxes les plus impensables. Lui qui refusait de «prescrire des recettes […] pour l’auberge de l’avenir» 20 devint, au contraire, le père illégitime d’un nouveau système social. Critique très rigoureux et jamais satisfait de ses hypothèses, il devint la source d’une doctrine ossifiée. Partisan infatigable de la conception matérialiste de l’histoire, il a été soustrait à son contexte historique plus qu’aucun autre auteur. Convaincu que « l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes» 21, il fut enfermé, au contraire, dans une idéologie qui visait à faire prévaloir le primat des avant-gardes politiques et du parti comme rôle d’aiguillon de la conscience de classe et de guide de la révolution.
Persuadé que la condition fondamentale de la maturation des capacités humaines était la réduction de la journée de travail, il fut assimilé au credo productiviste du stakhanovisme. Ferme défenseur de l’abolition de l’État, il finit par être identifié comme son meilleur rempart. Intéressé comme peu d’autres penseurs au libre développement des individualités humaines, en affirmant, contre le droit bourgeois qui masque les disparités sociales derrière une pure égalité légale, que «le droit, au lieu d’être légal, est illégal»22, il a été confondu avec une conception qui a neutralisé la richesse de la dimension collective dans une totalité indistincte. Le caractère incomplet du grand travail critique de Marx est à l’origine des tendances à la systématisation des épigones qui ont produit, inexorablement, la dénaturation de sa pensée.
VICISSITUDES DE LA PUBLICATION DES ŒUVRES DE MARX ET ENGELS
«Les écrits de Marx et Engels […] furent-ils jamais lus en entier par quelqu’un, qui se serait trouvé hors du cercle des proches et des adeptes […] des auteurs mêmes?» Antonio Labriola s’interrogeait ainsi, en 1897, sur ce qui était connu alors de leurs œuvres. Ses conclusions étaient sans équivoque : « Lire tous les écrits des fondateurs du socialisme scientifique est apparu jusqu’à présent comme un privilège d’initiés»; le «matérialisme historique » s’est propagé « à travers une infinité d’équivoques, de malentendus, d’altérations grotesques, d’étranges travestissements et d’inventions gratuites» 23.
En effet, comme la recherche historiographique l’a depuis démontré, la conviction que Marx et Engels ont été vraiment lus a été le fruit d’un mythe hagiographique24. Au contraire, de nombreux textes étaient rares ou introuvables même en langue originale et ainsi l’invitation du savant italien à donner vie à « une édition complète et critique de tous les écrits de Marx et Engels » est devenue une nécessité inéluctable. Pour Labriola, il ne fallait ni compiler des anthologies, ni rédiger un « testamentum juxta canonem receptum», mais «toute l’oeuvre scientifique et politique, toute la production littéraire, même occasionnelle, des deux fondateurs du socialisme critique, doit être mise à la portée des lecteurs […] afin qu’ils parlent directement à quiconque aurait envie de les lire » Il. Un siècle après la formulation de ce souhait, ce projet n’a toujours pas été réalisé.
En plus de ces jugements principalement philologiques, Labriola en avançait d’autres de caractère théorique, qui surprennent par leur esprit visionnaire, étant donné le contexte d’alors. Il considérait tous les écrits et travaux de Marx et Engels, non achevés, comme « les fragments d’une science et d’une politique en devenir perpétuel ». Pour éviter de chercher en leur sein « ce qui n’y est pas et ne doit pas y être », ou bien « une espèce de vulgate ou des préceptes pour l’interprétation de l’histoire en tout temps et en tout lieu », ces écrits ne peuvent être pleinement compris que s’ils sont replacés au moment et dans le contexte de leur apparition. C’est-à-dire qu’il faut faire le contraire de ceux qui « ne comprennent pas que la pensée et le savoir sont une activité en devenir », et le contraire des « doctrinaires et présomptueux de toute sorte, qui ont besoin d’idoles de l’esprit, les faiseurs de systèmes classiques bons pour l’éternité, les compilateurs de manuels et d’encyclopédie, et chercheront à tort et à travers dans le marxisme ce qu’il n’a jamais entendu offrir à personne » 26 : une solution sommaire et fidéiste aux problèmes de l’histoire.
L’exécuteur naturel de la réalisation de l’ opera omnia n’aurait pu être que le Parti socialdémocrate allemand, détenteur du legs et des compétences linguistiques et théoriques nécessaires. Néanmoins, les conflits politiques au sein de la social-démocratie ont non seulement empêché la publication de la masse imposante et importante des travaux inédits de Marx, mais ont également entraîné la dispersion de ses manuscrits, compromettant ainsi toute hypothèse d’édition systématique 27. De manière incroyable, le parti allemand n’en a entrepris aucune, traitant les textes de Marx et Engels avec la plus grande négligence 28. Aucun de ses théoriciens ne s’est occupé de rédiger un catalogue du legs intellectuel des deux fondateurs. Qui plus est, personne ne s’est chargé de recueillir la correspondance, très volumineuse et extrêmement disséminée, bien qu’elle fût très utile comme source d’éclaircissement, voire même comme continuation de leurs écrits.
La première publication des œuvres complètes, la Marx Engels Gesamtausgabe [édition complète] (MEGA), n’a débuté que dans les années vingt, à l’initiative de David Riazanov, directeur de l’Institut Marx-Engels de Moscou. Mais cette tâche a cependant également échoué à cause des vicissitudes du mouvement ouvrier international, qui trop souvent ont constitué un obstacle, plutôt qu’elles n’ont favorisé l’édition de leurs textes. Les purges du stalinisme en Union soviétique qui se sont également abattues sur les chercheurs mobilisés sur le projet, de même que l’arrivée du nazisme en Allemagne, ont conduit à l’interruption précoce de l’édition 29, compromettant également cette tentative. On vit alors le paradoxe de la naissance d’une idéologie inflexible qui s’inspirait d’un auteur dont l’œuvre était en partie encore inexplorée. L’affirmation du marxisme et sa cristallisation en un corpus dogmatique ont précédé la connaissance des textes, dont la lecture était indispensable pour comprendre la formation et l’évolution de pensée de Marx30.
Les principaux travaux de jeunesses n’ont en effet été imprimés qu’avec la MEGA- Critique de la philosophie du droit public de Hegel en 1927, les Manuscrits économicophilosophiques de 1844 et Lidéologie allemande en 1932 – et, comme cela avait déjà été le cas avec le deuxième et le troisième livre du Capital, qui apparaissaient à l’édition comme des œuvres achevées, un choix s’est ensuite révélé lourd de nombreuses méprises dans l’interprétation. Puis furent publiés, à des tirages qui n’ont permis d’assurer qu’une très faible diffusion, certains travaux préparatoires importants du Capital: en 1933 le Chapitre VI inédit et entre 1939 et 1941 les Principes fondamentaux de la critique de l’économie politique, mieux connus sous le nom de Grundrisse. De plus, ces inédits, comme les autres qui suivirent, lorsqu’ils n’étaient pas dissimulés de peur qu’ils puissent éroder le canon idéologique dominant, ont été accompagnés d’une interprétation conforme aux exigences politiques qui, dans la meilleure des hypothèses, apportait des ajustements à la ligne prédéterminée et ne se traduisait jamais par une série de rediscussion complète de l’œuvre de Marx.
Toujours en Union soviétique, de 1928 à 1947, fut achevée la première édition en russe: la Sotchinenia [œuvres complètes]. Contrairement à son nom, elle ne reproduisait qu’un nombre très partiel d’écrits, mais, avec ses 28 volumes (en 33 tomes), elle constituait pour l’époque le recueil quantitativement le plus consistant des deux auteurs. La seconde Sotchinenia parut entre 1955 et 1966 en 39 volumes (42 tomes). De 1956 à 1968 en République Démocratique Allemande, à l’initiative du comité central du SED, furent imprimés les 41 volumes (en 43 tomes) des Marx Engels Werke(MEW). Mais une telle édition, loin d’être complète 31, était appesantie par les introductions et les notes qui, conçues sur le modèle de l’édition soviétique, en orientaient la lecture selon la conception du marxisme-léninisme.
Le projet d’une « seconde » MEGA, qui se proposait de reproduire de manière fidèle et avec un large apparat critique tous les écrits des deux penseurs, a resurgi dans les années 1960. Néanmoins les publications, commencées en 1975, furent elles aussi interrompues, cette fois suite aux événements de 1989. En 1990, dans le but de continuer cette édition, YInternationaal InstituutvoorSociale Geschiedenis [Institut international d’histoire sociale – IISG] d’Amsterdam et la Karl-Marx-Haus [Maison de Karl Marx] de Trèves ont constitué la Internationale MarxEngels-Stiftung [Fondation internationale Marx-Engels – IMES]. Après une phase intense de réorganisation, au cours de laquelle ont été entérinés de nouveaux principes éditoriaux et où la maison d’édition Akademie Verlag est rentrée dans la Dietz Verlag, à partir de 1998 la publication de la Marx-Engels Gesamtausgabe (MEGA2) est repartie 32.
CE « CHIEN CREVÉ » DE MARX
Marx a longtemps été assimilé à l’Union soviétique et, après la chute du mur de Berlin, l’on a décrété sa disparition. En effet, à l’exception de quelques voix critiques, après 1989, il fut unanimement considéré comme un instrument rouillé dont l’histoire ne saurait que faire. Et pendant près de quinze ans, les études sur Marx se sont considérablement réduites par rapport au passé et cela, malgré le fait que le capitalisme était bien loin d’avoir atteint ce bien-être social et cette stabilité économique et politique que ses idéologues et apologètes à gages s’efforçaient de démontrer et d’annoncer comme imminents.
Libérée de la fonction d’instrumentum regni, auquel elle avait été destinée par le passé, et des chaînes du marxisme-léninisme, dont elle s’est définitivement séparée, l’oeuvre de Marx commence aujourd’hui à être lue partout dans le monde. Néanmoins, si Marx ne peut être identifié aux grises expériences étatiques du prétendu « socialisme réel », croire que l’on peut reléguer son patrimoine théorique et politique à un passé qui n’aurait plus rien à dire des conflits d’aujourd’hui, que l’on peut le circonscrire à la fonction d’un classique momifié sans intérêt pour aujourd’hui, ou qu’on peut l’enfermer dans des spécialités purement académiques, serait tout aussi erroné.
Le regain d’intérêt pour Marx va bien au-delà des cercles restreints de chercheurs et sa redécouverte se fonde sur sa persistante capacité à expliquer le présent. Contrairement aux prévisions qui en avaient décrété la disparition définitive, ces dernières années, Marx est revenu sous les projecteurs et, sur les étagères des librairies, on revoit de plus en plus ses textes, en réimpression ou dans de nouvelles éditions. Les revues ouvertes aux contributions concernant Marx et les marxismes ont de nouveau du succès ; les congrès et les cours universitaires qui lui sont consacrés reviennent à la mode et de nouvelles études qui mettent en relation les écrits de Marx avec des questions qui n’avaient pas été prises suffisamment en considération par le passé (par exemple la question de l’environnement) se développent de plus en plus. Suite à l’écroulement de Wall Street, Marx est réapparu sur les pages de très nombreuses revues de par le monde et les plus importants quotidiens internationaux lui ont consacré de nombreux articles, souvent en première page, dans lesquels ses théories sont de nouveau considérées comme cruciales et prémonitoires.
Indubitablement le nouvel intérêt pour Marx est à attribuer au fait qu’il est de nouveau considéré, encore une fois, comme le penseur le plus apte à comprendre et critiquer le capitalisme. Et cela non seulement pour la perspicacité de ses réflexions-qui lui ont permis de prévoir l’extension globale du mode de production capitaliste et, par conséquent, l’expansion des forces productives (songeons à la Chine d’aujourd’hui, pour ne prendre que l’exemple le plus éclatant des métamorphoses de ces dernières années) mais aussi parce que certains phénomènes analysés par lui se manifestent aujourd’hui-dans un capitalisme qui a connu un développement extraordinaire en diffusion et en intensité-avec une évidence encore plus forte qu’à l’époque de Marx. Il suffit de penser à l’importance de l’accumulation réalisée via la finance et le système de crédit, qu’il a ébauchée dans le troisième volume du Capital, ou aux crises d’un capitalisme qui, ayant amplifié son expansion géographique, est et sera toujours plus victime de ses propres contradictions.
Que reste-t-il aujourd’hui de Marx? En quoi sa pensée est-elle encore utile à la lutte pour la liberté du genre humain? Quelle part de son œuvre s’avère la plus féconde pour stimuler la critique de notre temps ? Ces interrogations reçoivent aujourd’hui des réponses qui sont loin d’être unanimes. Parmi les caractéristiques de l’actuelle renaissance de Marx, on trouve en effet une discontinuité par rapport aux orthodoxies monolithiques du passé qui ont dominé et profondément conditionné l’interprétation de cet auteur. Même si elle est marquée par des limites évidentes et par le risque de syncrétisme, une nouvelle époque s’est ouverte, marquée par plusieurs Marx et la tâche de répondre à ces problèmes revient aux recherches, théoriques et pratiques, d’une nouvelle génération de chercheurs et de militants politiques.
Parmi les Marx qui continuent à rester indispensables, on peut en mentionner au moins deux. Avant tout, le critique du mode de production capitaliste. Le chercheur analytique et infatigable qui en a compris et analysé le développement à l’échelle mondiale et, plus que tout autre, a décrit la société bourgeoise. Celui qui s’est refusé à concevoir le capitalisme et le régime de la propriété privée comme des scénari immuables et propres à la nature humaine et qui a encore à offrir de précieux conseils à qui aspire à réaliser des alternatives aux instances économiques, sociales et politiques dominantes. Lautre Marx, auquel il faudrait prêter une grande attention, est le théoricien du socialisme. L’auteur qui a refusé l’idée d’un «socialisme d’État >>>>, en son temps défendue par Lassalle et Johann Karl Rodbertus. Le penseur qui a compris le socialisme comme la transformation possible et radicale des rapports de production et non comme le fournisseur de légers palliatifs aux problèmes sociaux. Sans Marx, nous serions condamnés à une véritable aphasie critique et il semble que la cause de l’émancipation humaine devra encore se servir de lui. Son « spectre » est destiné à hanter le monde et l’humanité pour encore longtemps.
CHRONOLOGIE DES ÉCRITS DE MARX
Étant donné la masse de la production intellectuelle de Marx, la chronologie suivante se réfère exclusivement aux écrits les plus marquants. Il s’agit de mettre en évidence le caractère inachevé de nombreux textes de Marx et les vicissitudes relatives à leur publication. Pour répondre à la première tâche, les titres des manuscrits qui n’ont pas été imprimés par l’auteur sont insérés entre crochets, pour les différencier des œuvres et articles terminés. De cette manière on voit à quel point prévaut la partie inachevée. Pour souligner les vicissitudes éditoriales des écrits de Marx, la colonne contenant des informations sur les éditions des travaux parus après sa mort en spécifie l’année de la première publication, les références bibliographiques et, où cela est nécessaire, le nom des éditeurs. Des modifications éventuelles par rapport aux textes originaux apportés par ces derniers sont également indiquées. De plus, lorsque l’œuvre ou le manuscrit de Marx n’a pas été rédigé en allemand, la langue d’origine est spécifiée. Les abréviations utilisées sont: MEGA (Marx-Engels-Gesamtausgabe, 1927-1935) ; SOC (K. Marks iF. Èngelsa Sotchinenia, 1928-1946) ; MEW (Marx-Engels-Werke, 19561968) ; MECW (Marx-Engels-Colœcted-Works, 1975-2005) ; MEGA2 (Marx-Engels-Gesamtausgabe, 1975-…).
Traduit de l’italien par Aymeric Monville
CHRONOLOGIE DES ÉCRITS DE MARX
1841 : [Différence entre la philosophie de la nature de Démocrite et celle d’Epicure]
1842-1843 : Articles pour la Gazette rhénane
1843 : [Critique de la philosophie hégelienne du droit public]
1844 : [Manuscrits économico-philosophiques de 1844]
1845 : La sainte famille (avec Engels)
1845 : [Thèses sur Feuerbach]
1845-1846 : [L’idéologie allemande] (avec Engels)
1847 : Misère de la philosophie
1848: Discours sur le libre échange
1848 : Manifeste du parti communiste (avec Engels)
1848-1849 : Articles pour la Nouvelle gazette rhénane. Organe de la démocratie
1850 : Articles pour le Nouvelle gazette rhénane. Revue politico-économique
1852 : Le Dix-huit brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte
1851-1862 : Articles pour le New York Tribune
1852 : [Les grands hommes de l’exil] (avec Engels)
1853 : Révélations sur le procès contre les communistes à Cologne
1853-1854 : Lord Palmerston
1854 : Le chevalier de la noble conscience
1856-1857 : Révélations sur l’histoire diplomatique du XVII! siècle
1857 : [Introduction]
1857-1858 : [Introduction à la critique de l’économie politique]
1859 : Critique de l’économie politique
1860 : Herr Vogt
1861-1863 : [Critique de l’économie politique (Manuscrit de 1861-1863)]
1863-1864 : [Sur la question polonaise]
1863-1867 : [Manuscrits économiques 1863-1867]
1864-1872 : Adresses, résolutions, circulaires, manifestes, programmes, statuts pour l’Association internationale des travailleurs.
1865 : [Salaires, prix et profits]
1867 : Le capitale. Livre 7. Le procès de production du capital
1870 : [Manuscrit du livre II du Capital]
1871 : La guerre civile en France
1872-1875 : Le Capital livre I: Le procès de production du capital (édition française)
1874-1875 : [Notes sur «État et Anarchie» de Bakounine]
1875 : [Critique du programme de Gotha]
1875 : [Rapport entre taux de plus-value et taux de profit développé mathématiquement]
1877 : Sur «Histoire critique» (chapitre de l’Anti-Dühring d’Engels)
1879-1880 : [Annotations de «Lapropriété commune rurale» de Kovalevski]
1879-1880 : [Gloses marginales du «Manuel d’économie politique» de Wagner]
1880-1881 : [Extraits de «La société antique» de Morgan]
1881-1882 : [Extraits chronologiques 90 a. C.-1648 ca.]
Références
1. Karl Kautsky, Mein Erster Aufenthalt in London, in Benedikt Kautsky (ed.), Friedrich Engels ‘Briefwechsel mit Karl Kautsky, Danubia Verlag, Vienne, 1955, p. 32.
2. À ce propos, voir le tableau chronologique de ses écrits en appendice.
3. Cf Maximilien Rubel, Marx critico del marxismo, Cappelli, Bologne 1981, p. 109.
4. Friedrich Engels, Prefazione a Karl Marx, Il capitale. Libro secondo, Editori Riuniti, Rome 1965, p. 9.
5. Friedrich Engels, Anti-Dühring, in Opere, voi. XXV, Editori Riuniti, Rome 1968, p. 6.
6. Cf Franco Andreucci, La diffusione e la volgarizzazione del marxismo, in Aa. Vv., Storia del marxismo, vol. II, Einaudi, Turin, 1979, p. 15.
7. C. Erich Matthias, Kautsky e il kautskismo, De Donato, Bari 1971, p. 124.
8. Friedrich Engels-Karl Marx, La sacra famiglia, in Opere, vol. IV, Editori Riuniti, Rome 1972, p. 103. Cette phrase appartient à la partie du texte écrite par Engels.
9. Cf. Paul M. Sweezy, La teoria dello sviluppo capitalistico, Boringhieri, Turin 1970, pp. 22 et 225.
10. Karl Kautsky, Il programma diErfurt, Samonà e Savelli, Rome 1971, p. 123.
11. Gueorgui Plekhanov, Le questioni fondamentali del marxismo, in Id., Opere Scelte, Edizioni Progress, Mosca 1985, p.366.
12. Vladimir Illitch Lénine, Materialismo ed empiriocriticismo, in Id., Opere complete, vol. XIV, Editori Riuniti, Roma 1963, p. 152.
13. Ibid., p. 185.
14. Nikolai I. Boukharin, Teoria del materialismo storico, La Nuova Italia, Florence, 1977, p. 16.
15. Ibid., p. 252.
16. Antonio Gramsci, Quaderni del carcere (a cura di Valentino Gerratana), Einaudi, Turin, 1975, p. 1403.
17. Ibid., p. 1428.
18. Joseph Staline, Del materialismo dialettico e del materialismo storico, Edizioni Movimento Studentesco, Milano 1973, p. 919.
19. Ibid., p. 926-27.
20. Karl Marx, Poscritto alla seconda edizione de Il capitale. Libro primo, Editori Riuniti, Rome, 1964, p. 42.
21. Karl Marx, Statuti provvisori dell’Associazione internazionale degli operai, in Opere, voi. XX, Editori Riuniti, Rome, 1987, p. 14.
22. Karl Marx, Critica alprogramma di Gotha, Editori Riuniti, Rome, 1990, p. 17.
23. Antonio Labriola, Discorrendo di socialismo e filosofia. Scritti filosofici e politici (a cura di Franco Sbarberi), Einaudi, Turin, 1973, p. 667-9.
24. Dans l’Avertissement à leur œuvre, les auteurs d’une des principales biographies de Marx ont écrit: « sur mille socialistes, peut-être un seul a lu une œuvre économique de Marx, sur mille antimarxistes, pas un n’a lu Marx», in Boris Nikolaevskij-Otto Maenchen-Helfen, Karl Marx. La vita e l’opera, Einaudi, Turin, 1969, p. 7.
25. Antonio Labriola, op. cit., p. 672.
26. Ibid., p. 673-77.
27. Cf. Maximilien Rubel, Bibliographie des œuvres de Karl Marx, Rivière, Paris, 1956, p. 27.
28. Cf David Riazanov, Neueste Mitteilungen über den literarischen Nachlaß von Karl Marx und Friedrich Engels, in Archiv für die Geschichte des Sozialismus und der Arbeiterbewegung, vol. 11 (1925), en particulier p. 385-86.
29. Riazanov fut limogé et condamné à la déportation en 1931 et les publications ont été interrompues en 1935. Des 42 volumes initialement prévus seuls 12 (en 13 tomes) ont été imprimés. Cf Karl Marx, Friedrich Engels, Historisch-kritische Gesamtausgabe. Werke, Schriften, Briefe. Sous la direction du Marx-Engels-Institut [à partir de 1933 Marx-Engels-Lenin-Institut de Moscou] édité par David Borisovi-Riazanov [à partir de 1932 Vladimir Viktorovi-Adoratski], Frankfurt am Main, Berlin, Moskau-Leningrad, Moscou, Marx-Engels-Verlag, 1927-1935.
30. Cf Maximilien Rubel, Marx critico del marxismo, op. cit., p. 88.
31. Les publications ne comprenaient pas, par exemple, ni les Manuscrits économicofihibsophiques de 1844 ni les Grundrisse, textes qui ne furent ajoutés qu’après. Il faut noter que la MEW a constitué la base de nombreuses éditions analogues en d’autres langues, parmi lesquelles les Œuvres de Marx-Engels en français.
32. Cf mon article « La MEGA et les nouveaux visages de Karl Marx » publié dans ce même numéro.
Marcello
Musto